Bataillons de fédérés

Ils furent formés suite au décret de l’Assemblée nationale en date du 12 juillet 1792. Ils devaient se composer de 574 hommes, sans compagnie de canonniers. Le futur général Thiébault raconte dans ses mémoires son arrivée en septembre 1792 au camp de Soissons où furent formés les bataillons de Fédérés :

« 15 000 de ces fédérés, révolutionnairement levées par quelques départements et sur lesquels on avait spéculé à Paris pour d’horribles scènes, étaient campés aux portes de la ville et répartis en bataillons, qui plus tard ne se firent remarquer à l’armée que par leur indiscipline, leurs pillages et même leur lâcheté, grâce à eux l’épithète de fédéré devînt une injure qu’aucun soldat ne pardonnait… ces misérables qui préludaient à Soissons par mille désordres, présage de leur conduite future, étaient sans solde et en partie sans vêtements, attendu que incapables de rendre aucun service, on avait autre chose à faire qu’à s’occuper d’eux en un tel moment. Ils trouvèrent mauvais que nous fussions habillés, armés et équipés, quoiqu’il n’en eût pas coûté un sou à l’État. Ils conçurent le projet très digne d’eux de nous surprendre pendant la nuit, et à la faveur du nombre, de nous dévaliser au besoin de nous égorger. Les autorités habituées à les surveiller sans cesse, découvrirent leur projet et de suite firent prévenir le chef de notre bataillon qui à l’instant même sans bruit, fit prendre les armes à tout ce qui était au quartier et envoyé les hommes choisis suivis par des patrouilles pour faire rentrer tous ceux qui manquaient ». L’affrontement n’eut bien sûr pas lieu mais les autorités militaires et civiles firent filer le bataillon « des messieurs de la Butte-aux-moulins » loin du camp de Soissons.

bataillon de fédérés

Les bataillons de fédérés ne doivent pas être confondus avec les fédérés marseillais ou bretons qui participèrent à l’assaut du palais des Tuileries (10 août). En effet alors que l’effervescence révolutionnaire montait en France, et que la fin de la monarchie se profilait, la déclaration de guerre (20 avril 1792) à l’Empire autrichien des Habsbourg, qui avait de plus provoqué un conflit généralisé sur les frontières de l’Est et du Nord (la Belgique actuelle étant alors contrôlée sous le nom de Pays-Bas autrichien), ajoutait au danger ressenti par l’opinion publique en France. Car en plus de l’Autriche, la multitude des états du Saint-Empire Romain se trouvait de fait en guerre contre la France, ainsi bien sûr que les trois corps formés par les émigrés, à savoir au nord l’armée du prince de Bourbon, au centre l’armée des Princes et au sud l’armée de Condé. S’ajoutait en plus à cette liste, la Prusse qui apportait avec elle la force militaire jugée la plus puissante et la plus aboutie du continent européen depuis les campagnes victorieuses de Frédéric durant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Cette menace ajoutait à un sentiment d’insécurité et de danger imminent de l’intérieur, non seulement des émigrés organisés en armée contre-révolutionnaire, mais aussi des ennemis de l’intérieur, jugés très nombreux et selon le mythe des chevaliers du Poignard, prêts à tout pour détruire la Révolution.

La capitale, centre névralgique de la Révolution et de la France se trouvait menacée par de possibles insurgés des provinces (comme au camp de Jalès en Ardêche), par les armées étrangères qui marchèrent bientôt sur Paris (août et septembre 1792), et par les fidèles du roi un peu partout et justement au château des Tuileries désigné comme le repère de dizaines d’enragés royalistes prêts à en découdre avec la Révolution. C’est la raison pour laquelle, à Marseille et en Bretagne, des bataillons de fédérés furent formés et immédiatement envoyés à Paris pour protéger les institutions… et bientôt s’attaquer à la principale, en la personne du Roi. Ces bataillons de Marseillais apportèrent comme nous le savons tous, la Marseillaise dans leurs havresacs, qui ne venait pas de Marseille, mais qu’ils apprirent en route et qui avait été écrite par Rouget de Lisle, officier de l’armée à Strasbourg. Dans leur long chemin vers la capitale, aller comme retour, les fédérés de Marseille laissèrent un souvenir mémorable de sérieux buveurs et bagarreurs, provoquant des troubles et des rixes, pactisant à Paris avec la sans-culotterie et s’élançant à l’attaqua des Suisses avec la populace le 10 août, s’y livrant aussi au pillage et à des exactions terribles, il ne fut pas fait ou presque de prisonniers.

D’un courage qui n’alla pas jusqu’à continuer leur route sur les frontières menacées, les fédérés de Marseille rentrèrent sagement chez eux, alors que ceux de Bretagne, moins nombreux et plus disciplinés en firent de toute façon autant, retrouvant le pays breton sérieusement agité notamment par la conspiration royaliste du marquis de La Rouerie. Pendant ce temps, les bataillons de fédérés formés au camp de Soissons (et peut-être de Meaux) le furent avec des surplus de compagnies de volontaires de tous les départements français. Les bataillons de fédérés portaient en eux les défauts et vices de la levée de 1792, qualité moindre des cadres et des officiers, indiscipline plus grande, jeunesse extrême des soldats, habillements et armements parfois incomplets voire très inférieurs à la moyenne, sans parler d’un grand nombre de soldats engagés pour les primes offertes et peu motivés en réalité à en découdre. Ils furent formés en même temps que les bataillon de volontaires nationaux dits de la Réserve à peu près sur le même schéma et ne différaient pas d’eux de beaucoup, à part leur dénomination. Ils formèrent une masse de troupes de réserve dans les environs de Paris et de la Champagne, non loin des armées principales qu’étaient celles du Nord, du Centre et du Rhin, permettant aux troupes déjà prêtes à rejoindre le front et leur laissant le soin des garnisons ou des places fortes. Ils jouèrent donc leur rôle, et fournirent par ailleurs quelques célèbres généraux de la Révolution et de l’Empire (Maison, Friederichs, Lorcet etc.).

Bien que le fédéré, nom venu de la fête de la Fédération des gardes nationaux (14 juillet 1790), et rappela par ailleurs l’assaut populaire lancée sur l’innocente mais symbolique Bastille, soit entré de plein pied dans l’imagerie révolutionnaire, il reste un inconnu et aura finalement fait couler bien peu d’encre de la part des historiens.

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Liste des bataillons :

Bataillon des fédérés des 83 départements, formé le 29 août ou 7 septembre 1792,

1ère bataillon des fédérés, formé le 22 juillet 1792,

2e bataillon des fédérés, formé le 25 juillet 1792,

3e bataillon des fédérés, formé le 25 juillet 1792,

4e bataillon des fédérés, formé le 25 juillet 1792,

5e bataillon des fédérés, formé le 29 juillet 1792,

6e bataillon des fédérés, formé le 29 juillet 1792,

7e bataillon des fédérés, formé le 29 juillet 1792,

8e bataillon des fédérés, formé le 29 juillet 1792,

9e bataillon des fédérés, formé le 1er août 1792,

10e bataillon des fédérés, formé le 2 août 1792,

11e bataillon des fédérés, formé le 3 août 1792,

12e bataillon des fédérés, formée le 3 août 1792,

13e bataillon des fédérés, formé le 3 août 1792,

14e bataillon des fédérés, formé le 4 août 1792,

15e bataillon des fédérés, formé le 4 août 1792,

16e bataillon des fédérés, formé le 10 août 1792,

17e bataillon des fédérés, formé le 4 septembre.

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Portrait :

Jacques-François de Menou baron de Boussay, né à Boussay dans l’Indre-et-Loire en 1750. Il entra au service dans l’armée royale (1766), sous-lieutenant (1768). légion de Flandre, dragons (1773), aide-major général des régiments de dragons au camp de Vaussieux (1778), capitaine (1783), chef d’État-major au camp de Saint-Jean-d’Angély (1784), lieutenant-colonel (1787), colonel (1788), puis élu député de la noblesse de Touraine aux États-Généraux (1789). Il fut l’un des premiers à se réunir à l’ordre du Tiers-État, malgré l’interdiction du Roi, preuve de son ralliement aux idées nouvelles. Il fut président de l’Assemblée constituante (1790), adjudant-général colonel (1791), colonel du 12ème régiment de chasseurs à cheval (21 octobre). Il fut envoyé à l’armée du Rhin, maréchal de camp (8 mai 1792), commandant les volontaires nationaux réunis à Soissons et qui formèrent les fameux bataillons de fédérés (juillet). Il passa dans la 17e division militaire (1792), puis dans l’armée de Réserve (mars 1793), chef d’État-major de l’armée des Côtes de la Rochelle (6 mai) et fut fait général de division (15 mai). Il servit à la bataille de Saumur, où il fut blessé de trois coups de feu (10 juin) puis à la bataille de Vihiers (17 juillet), à celle des Ponts-de-Cé (19 juillet). Appelé à Paris, il fut autorisé à se retirer du service pour blessure (octobre) et mis à la retraite (septembre 1794). Rappelé au service (mars 1795), il désarma le faubourg Saint-Antoine (22 mai) et devint général en chef de l’armée de l’Intérieur (12 juillet). Il négocia avec les insurgés, la veille de la journée du 13 vendémiaire et pour ce fait fut arrêté et destitué (5 octobre). Décrété d’accusation, il fut acquitté (27 octobre) et remis en réforme. Toutefois, il reprit du service et fut envoyé à l’armée d’Orient (1798), chargé de commander la 4ème division. Il débarqua à Alexandrie et entra le premier dans la ville après avoir reçu sept blessures. Gouverneur de la province de Rosette, il s’empara du village de Cafr’Schabbas Ammer (15 septembre), dirigea le siège du fort d’Aboukir (juillet 1799), commanda ensuite les trois provinces de Rosette, d’Alexandrie et de Bahireh (août). Général en chef de l’armée d’Orient à la mort de Kléber (14 juin 1800), il fut battu par les Anglais à Canope (21 mars 1801) et capitula à Alexandrie (31 août). Rentra en France, membre du Tribunat (mai 1802), grand-officier de la Légion d’honneur (1804), chevalier de la Couronne de Fer (1807), comte de l’Empire et gouverneur général de la Toscane, puis de Venise (1809). Autorisé à rentrer en France, il mourut à la Villa Corneso près de Mestre en Italie, sur la route du retour.

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Article de Laurent Brayard