Bataillon révolutionnaire du Mont-Blanc

Date de formation : été 1793.

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Formation :

Il fut formé à partir de gardes nationales soldées, sur la réquisition et la conduite des représentants du Peuple en mission. L’invasion de l’armée piémontaise voulant donner la main aux insurgés de Lyon, provoqua sa réquisition. Le général kellermann ordonna aux départements dépendants de l’armée des Alpes de procéder à l’envoi de renforts tirés dans le sein des gardes nationaux. Le département du Mont Blanc vota la levée d’un bataillon de 860 gardes nationaux. André Folliet le désigne comme le 6e bataillon du Mont Blanc, il ne fut qu’un bataillon de réquisition éphémère1

Historique :

1793 :

Il fut envoyé à l’armée des Alpes, servant dans la vallée de la Maurienne, contre les Piémontais. Ce bataillon essentiellement composé de pères de famille et d’hommes peu motivés au combat, enrôlés à prix d’argent, fut bientôt renvoyé dans ses foyers, après la prise de Lyon (9 octobre), il fut licencié (29 octobre).

Documents :

Transmis par Frédéric Pradal : article 4 : registre des arrêtés et des correspondances des représentants du peuple Dumaz et Simond2.

« Le 16e jour du 2e mois de l’an 2,

Les représentants du peuple près l’armée des Alpes considérant la nécessité de pourvoir à la tranquillité publique en contenant les mal-intentionnés qui pourroient contrarier par des manœuvres contre-révolutionnaires, le triomphe de la constitution populaire, arrêtent :

Article 1er : La circulation de toute espèce de monnoie en or ou argent, de quelque forme ou valeur qu’elle soient, est prohibée dans le département du Mont-Blanc.

Article 2e : Elles ne pourront être présentées, ni reçu un stipulation de marché pour cause de commerce, échange, ou acquis quelconque sous peine de confiscation des dites espèces, des effets dont elles doivent être le correspectifs et de trois mois de prison au préjudice des personnes surprises en contravention.

Article 3e : Les monnoies dites de billon, portant l’effigie du roi Sarde, sont démonétisés et ne pourront, sous aucun prétexte, être présenté ou reçu, au terme et même peine portée par le second article et les receveurs de district devront en faire l’échange pendant cinq jours après la publication du présent arrêté avec défense d’outre-passer le terme.

Article 4e : Il sera nommé dans le département du Mont-Blanc un bataillon révolutionnaire composé de neuf compagnies.

Article 5 : Chaque compagnie sera de 130 hommes y compris un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, un sergent major ; deux sergents et quatre caporaux.

Article 6 : L’état-major du bataillon sera composé d’un commandant-en-chef, d’un commandant en second, d’un adjudant major, d’un adjudant sous-officiers, d’un quartier-maître, d’un tambour maître, et d’un chirurgien major.

Article 7 : Le bataillon pour sa paye, discipline administration est tenue, sera soumis aux dispositions décrétées par la convention nationale, pour l’organisation des bataillons des volontaires nationaux, et aux ordres du conseil exécutif.

Article 8 : L’administration générale du département fera exécuter sans délai les décrets portants réquisition des citoyennes dès l’âge de 18 à 25 ans.

Article 9 : Tous les citoyens à réquisition se rendront après la publication de notre présent arrêté ou la signification d’icelui dans le lieu de leur domicile, chacun au chef-lieu de son district.

Article 10 : Le citoyen Charles Villar de Carrouge, district du même nom est nommé commandant-en-chef de ce bataillon.

Article 11 : Le commandant en chef du bataillon révolutionnaire nommera en se concertant avec les administrations générales de district, les officiers des compagnies, dont la majorité des citoyens qui la composent sera de leur arrondissement.

Article 12 : La nomination s’en fera en séance publique, préalablement annoncé ; les candidats devront être munis de leur certificat de civisme, et les citoyens seront invités à dire ce qu’ils savent des talents et surtout de la vie révolutionnaire des préposés.

Article 13 : Les sous-officiers seront nommés par le commandant, les officiers de la compagnie et deux membres du directoire du district dans lequel elle sera formée.

Article 14 : L’état-major du bataillon révolutionnaire sera nommé par l’administration générale du département et le commandant en chef de ce bataillon.

Folio 52 v°

Article 15 : Les citoyens qui ne sont pas soumis à la réquisition seront reçus dans ce bataillon, ils ne pourront l’abandonner s’ils y reçoivent des grades, et, au cas contraire, le commandant sur la demande des administrations de district ou sur des besoins urgents, en faveur de gens mariés ayant des enfants, pourra accorder des congés et en limiter le temps, mais dans tous les cas, le nombre de pourra excéder celui de 30 par compagnie.

Article 16 : Les congés ne s’accorderont jamais à des citoyens soumis à la réquisition, qu’en conformité des décrets de la convention nationale et des ordre du conseil exécutif pour cet effet.

Article 17 : il sera permis aux citoyens en réquisition, dont la propriété ou celle de leur père et mère n’excède pas en totalité six livres de contribution foncière, d’opter entre leur organisation en force armée, ou compagnies d’ouvriers pour travailler aux fortifications et autres opérations publiques dans le département du Mont-Blanc.

Article 18 : Les citoyens en réquisition et qui ne seront pas compris dans le bataillon révolutionnaire, seront mis par l’administration générale du département à la disposition du général de l’armée des Alpes, ou des commandants des bataillons des volontaires du Mont-Blanc pour en compléter les corps.

Article 19 : La destination de ce bataillon sera, en agissant sous les ordres des autorités constituées, d’empêcher l’exportation des commestibles, matières premières et toute espèce de contrebande sur les frontières de la république qui avoisinent le piémont, la Suisse et Genève de surveiller l’exécution de la loi sur le maximum pour les commestibles et matières premières, de celle sur les accapareurs, agioteurs, et gens suspects ainsi que de notre arrêté relativement à la suppression des monnoies d’or et d’argent de forme et valeur quelconque et de celle de billon portant l’effigie du roi Sarde.

Article 20 : Les corps administratifs, officiers municipaux, et société populaire et tous les bons citoyens sont invités, au nom du bien public, à favoriser à surveiller autant que possible, la formation de cette force armée.

Article 21 : L’administration générale de département joindra à notre présent arrêté les dispositions nécessaires pour en assurer l’exécution et nous en certifiera l’impression, l’envoi la publication et l’affiche dans chaque commune sous le plus bref délai. Signé Simond Dumaz ».

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Frédéric Pradal nous a transmis également ceci :

Registre des arrêtés et des correspondances des représentants du peuple Dumaz et Simond3

« Bataillon révolutionnaire du Mont-Blanc : du 17e jour du 2e mois de l’an 2. Sur la demande du citoyen Villar commandant le bataillon révolutionnaire du Mont-Blanc de fixer l’uniforme de ce bataillon, les représentants du peuple français à l’Armée des Alpes arrêtent que l’habit sera fait en verte la patte au dehors et la poche en dedans, un gilet croisé en futaine verte et croisée, une culotte courte de même étoffe doublée en coutil, des guêtres noires, une casquete en place de châpeaux, une capote et le petit équipement, la capote en drap gris mélangé, un sac en peau de veau et à poil, un fusil de calibre, un sabre, une giberne la bufflèterie en cuir noir. Envoyé au département pour en surveiller et presser la confection. Signé Simond et Dumaz ».

Portraits :

Jacques-Marie Dumaz, né le 9 avril 1762, à Chambéry, en Savoie, royaume de Piémont-Sardaigne. Il fit des études de droit, avocat au Sénat de Savoie (1784), partisan des idées révolutionnaires et de la France, membre du directoire du département du Mont Blanc (1790-1792), député à la Convention nationale pour le département (1793), il rallia les montagnards et fut envoyé en mission à l’armée des Alpes en compagnie de Philibert Simond, au moment de l’insurrection de Lyon et de l’offensive piémontaise dans les Alpes (été 1793). Ils mirent ensemble en défense le département, mobilisèrent des gardes nationaux et installèrent le tribunal révolutionnaire. Ils furent rappelés à Paris (novembre/décembre), mais contrairement à Simond bientôt envoyé à la guillotine, il réussit à se faire petit, vota la mise hors la loi de Robespierre (9 thermidor), et continua sa carrière de député sous le Directoire. Il fut élu député du Mont Blanc au Conseil des Cinq Cents (1795), sortant de l’assemblée par tirage au sort (1796). Président du tribunal civil du département du Mont Blanc (1796-1798), il fut accusateur public près le tribunal criminel du département du Mont Blanc (1798-1800), membre du Sénat, député du Mont Blanc au Corps législatif (1800-1802), il briguait la Légion d’honneur et envoya avant même sa création ses états de service pour recevoir cette médaille : « Dumas du Mont Blanc, membre du corps législatif, a l’honneur de vous exposer qu’ayant constamment servi sa patrie avec zèle et désintéressement, dans la partie civile et dans la partie militaire, il regardera comme une récompense extrêmement flatteuse s’il peut être compté parmi les hommes qui vont former la Légion d’honneur »4 (1802). Il ne fut pas nommé à la création de la Légion d’honneur et insista en envoyant de nouveau ses états services et le mot suivant : « depuis longtemps j’ai remis au grand conseil d’administration de la Légion d’honneur l’état de mes services et ma demande pour être admis à faire nombre parmi les hommes qui doivent former la Légion d’honneur, permettez qu’un père de famille honnête qui a toujours servi son pays avec zèle et désintéressement, qui a perdu sa profession, sa principale fortune, pour se livrer à des fonctions publiques, vienne se recommander à vos bontés et à votre bienveillance, il ne désire rien tant que de procurer de plus en plus son entier dévouement au gouvernement »5. Il dut attendre avant d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur l’année suivante (26 novembre 1803). Il écrivit au sénateur Lacépède grand Chancelier de la Légion d’honneur pour remercier de sa nomination (décembre) : « daignés agréer mes sincères remerciements, et soyés auprès du grand conseil l’interprète de tous mes sentiments de reconnaissance pour la place que vous avez voulu m’accorder parmi les membres qui composent la Légion d’honneur. Je ferai tous mes efforts pour continuer à mériter son estime par mon dévouement et par mon zèle à remplir toutes les obligations qui dépendent d’une place aussi distinguée »6. Il jura fidélité à l’Empereur et signa le serment envoyé par la grande Chancellerie de la Légion d’honneur (12 février 1805), il sombra dans l’oubli sous l’Empire, que sans doute il désapprouvait, retournant à sa carrière d’avocat. Il fut bâtonnier au barreau de Chambéry (1815), mourut dans cette ville le 9 janvier 1839.

Philibert Simond, né à Rumilly, en Savoie, alors partie du royaume de Piémont-Sardaigne, le 7 septembre 1755, fils d’un franc-maçon. Il intégra le grand séminaire d’Annecy, et fut ordonné prêtre (1779), vicaire au Petit-Bornand, étudiant en théologie à Paris (1779-1781), vicaire à Gruffy (1784), convaincu par les idées progressistes des lumières. Il fut inquiété pour ses opinions politiques, menacé par par la répression, il prit à la fuite en Suisse, à Genève (1790), puis à Strasbourg. Il devînt vicaire de l’évêque constitutionnel, prêtant le serment à la Constitution, et s’inscrivant au club des Jacobins, il critiqua avec force les autorités locales, dont le maire Dietrich. Il monta à Paris, où il le dénonça au club des Jacobins, obtenant la suspension des autorités municipales de Strasbourg, puis il retourna dans cette ville, où il se montra précocement un montagnard fanatique et partisan de Robespierre (fin 1791). Il prit position contre la guerre contre l’Autriche, à l’instar de Maximilien (mars 1792). Il fut élu député du Bas-Rhin (8 septembre), puis envoyé en mission dans le nouveau département du Mont Blanc. Absent lors du jugement de Louis XVI, il fit publier son avis sur la question et se prononça ainsi pour la mort du roi (janvier 1793). Il rentra à Paris, et participa à la lutte politique contre les Girondins, jusqu’à leur chute (mai/juin), les attaquant durement, il soutînt toutes les motions votées contre eux. Lors de l’insurrection de Lyon, il fut renvoyé en mission, à l’armée des Alpes, avec Dumaz, il s’occupa d’attiser les motivations, de lever des troupes, et d’organiser les défenses. Après la défaite de Lyonnais (9 octobre), et celle de l’armée piémontaise, il rentra à Paris (novembre). Cependant, il prit bientôt une position médiane, se rapprocha des modérés, de Danton et d’Hérault de Séchelles. Il prononça un célèbre discours contre le gouvernement de Pitt (janvier 1794). Il dénonça des accointances dans les sphères du pouvoir avec l’Angleterre, demandant le renouvellement du Comité de Salut Public et le départ de Barère de Vieuzac. Cette attaque le fit dénoncer au Club des Jacobins, ouvrant en partie le conflit entre les modérés de Danton, et les enragés autour d’Hébert (janvier-mars). Après la disparition de ces derniers, il fut arrêté, mais ne fut pas envoyé à la guillotine avec les dantonistes. Cependant, il fut bientôt englobé dans une nouvelle fournée, celle de l’hypothétique conspiration des prisons (pure invention des comités). Accusé par de faux témoignages d’avoir tenté de sa prison, d’organiser une vaste conspiration devant faire chuter la République (avec Lucille Desmoulin, la veuve d’Hébert, ou encore le général Arthur Dillon. Il fut condamné à mort et guillotiné avec 28 autres « conspirateurs » (13 avril 1794). Parmi eux, Françoise Hébert, Lucille Desmoulins, le général Dillon, le procureur-général de la commune Chaumette (hébertiste), l’évêque constitutionnel Gobel (défroqué et proche des hébertistes), Guillaume-Antoine Nourry dit Grammont (hébertiste), avec l’un de ses fils

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Article de Frédéric Pradal et Laurent Brayard

1 André Folliet, Les volontaires de la Savoie, 1792-1799, p. 347.

2 Archives départementales de Savoie, série L : additions – tome 1 département du Mont-Blanc.

3 A.D. Savoie : série L – Add. 4.

4 Base Leonore.

5 Base Leonore.

6 Base Leonore.