Bataillons de la garde nationale de la Sarthe

Date de réquisition : printemps-été 1793.

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Formation :

Suite à un arrêté départemental en date du 26 juillet, deux bataillons furent réquisitionnés et deux escadrons de cavalerie. Les districts de la Flèche, de Château-du Loir et de Sillé fournirent les hommes demandés, mais ailleurs la réquisition fut un échec retentissant, le district de Mamers malgré d’importants efforts ne put fournir que 14 volontaires… dont 7 furent déclarés impropres car n’ayant pas l’âge minimum de 18 ans1. La ville de Lude fournit un bataillon durant l’été.

Historique :

La division de droite de l’armée des Côtes de la Rochelle ayant été écrasée à Vihiers, le général Bonchamps pensa le moment venu d’une offensive plus ambitieuse. Le 26 juillet 1793, il s’empara des hauteurs d’Erigné et s’empara des Ponts-de-Cé. La rive droite était forcée et la route d’Angers à nouveau ouverte. Le 6ème de Paris s’était replié sans même livrer combat, abandonnant les passages tout bonnement. Le lieutenant-colonel Bourgeois du 8ème de Paris, excita quant à lui à la lutte, mais il fut précipité dans le fleuve de la Loire avec ses 600 hommes. Il le traversa à la nage et rallia quelques survivants sur l’autre rive. Sa femme faite prisonnière par les Vendéens se jeta dit la légende dans les flots son enfant dans les bras, plutôt que de crier « Vive le Roi ! », un monument fut érigé à sa mémoire en 1891, à la Roche-du-Mur. Dans la ville d’Angers, la panique était totale, la population commençait déjà à fuir. Bourgeois bien que blessé rassembla son bataillon, ainsi que le bataillon des Lombards (Paris). Il fut rejoint par le bataillon de Jemmapes et contre-attaqua les bandes de Bonchamps. Ils se retranchèrent dans le château et dans les îles près des Ponts-de-Cé et résistèrent avec acharnement durant deux jours. Le 28 juillet, l’adjudant-général Talot apporta le renfort de la garde nationale d’Angers et des détachements de gardes nationaux de la Sarthe. Les paysans vendéens abandonnèrent alors Bonchamps, se replièrent et laissèrent les républicains maîtres des îles et bientôt de la butte d’Erigné.

Les hommes de la garde nationale de Lude combattirent à la bataille du 19 septembre 1793, comme le raconte l’un des leurs au moment de sa comparution devant la municipalité alors qu’il était rentré dans ses foyers, le citoyen Lepingleux (notaire, demeurant rue du Boeuf, né vers 1752) :

« L’armée partit des Ponts-de-Cé et se rendit à Saint-Lambert dont elle s’empara […]l’armée prit un poste dont elle ne devait tirer aucun avantage, on dit aux troupes que l’ennemi était encore à quelques distances. Le soldat alors persuadé qu’il n’y avait rien à craindre, reste tranquille et chacun se repose. Quelques instants après un groupe de brigands parut, on dit à la troupe étonnée que c’étaient nos tirailleurs. O perfidie ! Ces prétendus tirailleurs parvenus à portée de fusil, firent des décharges meurtrières sur l’armée républicaine et culbutèrent les premiers bataillons. En vain quelques corps opposèrent de la résistance. L’absence des généraux qui dans cet instant étaient éloignés de leurs postes, l’impossibilité de rétablir l’ordre, la terreur et le sentiment de la perfidie la plus affreuse et de la plus noire trahison, tout contribua à opérer une déroute complète. L’armée entière prit la fuite et se retira aux Pontx-de-Cé. Ce fut là que la barbarie des généraux se manifesta. Pour arrêter les citoyens on annonça qu’on allait lever le pont sur lequel devait défiler l’armée pour se rendre dans la plaine où elle campa la nuit suivante. Cette annonce porta le trouble à son comble, on se presse, on se foule pour se sauver. Des soldats, mis de distance en distance pour arrêter les citoyens, les massacrèrent à coups de sabre. Quelques malheureux voulant se sauver à la nage ont été fusillés dans l’eau. Enfin 20 ou 30 trente hommes sont la victime de la fureur de ces satellites du despotisme et de la tyrannie. […] Dans la nuit du 19 au 20 septembre, les deux tiers de l’armée partirent avec leurs drapeaux et se rendirent dans leurs foyers le 20 à 7 heures du matin. Le champ devint tellement désert qu’il ne resta plus que le bataillon de Lude, dont partie avait déjà défilé.Le commandant se transporta chez le général et lui annonça que l’armée s’était retirée, qu’il ne restait plus que partie du bataillon de Lude qui bientôt faute de subsistance serait obligé de se retirer dans ses foyers (on observe que le jour de la déroute qui eut lieu vers midi, le général fit dire dès huit heures du matin au bataillon du Lude de placer ses voitures sur la route des Ponts-de-Cé à Angers, que les voitures de pain pour la subsistance arrivèrent aux Pont-de-Cé à l’instant où l’armée en déroute y arriva, qu’alors les voitures retournèrent à Angers et laissèrent le bataillon sans pain). Le général répondit qu’il fallait rallier cette troupe et l’engager à rester. Le commandant de retour au camp, ne trouva de ce bataillon qu’environ 30 hommes et le drapeau, le surplus était parti. Il se rendit sur le champ chez le général et lui représenta qu’étant presque seul, il lui était impossible de faire aucun service. Le général lui répondit « eh bien ! On vous foutra un fusil et on vous mènera à l’attaque de la Roche d’Erigné. D’ailleurs, si vous partez, que le diable m’emporte si je fis courir après vous ! » En conséquence, le commandant, à la tête dudit nombre de fusiliers qui étaient restés au drapeau, partit du coup et s’est rendu à Lude, ce tableau exact et fidèle est une conviction de la droiture des démarches du bataillon du Lude, qui n’a pas quitté son poste que lorsqu’il a été réduit au quarantième de son complet »2.

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Bataillon de gardes nationaux de Mamers :

Date de formation : jamais formé.

Formation :

Parmi les bataillons de gardes nationaux levés, il y eut celui de Mamers, suite à une réquisition du département du 12 juin 1793. Le district de Mamers ordonna la levée de 500 hommes via un registre d’inscription volontaire ouvert pendant 24 heures, puis au cas d’un nombre insuffisant d’hommes de procéder à la réquisition des hommes de 18 à 45 ans, non mariés, veufs sans enfants, avec promesse d’une paye de 40 sous par jour de service et jusqu’au retour dans leurs foyers. Le district de Mamers devait fournir à lui seul 105 hommes. Le registre ne produisit absolument aucun enrôlement et les membres de la municipalité et du district durent se rendre à l’évidence qu’il serait impossible de procéder à la levée du bataillon. Toutefois il fut ordonné de faire un inventaire des armes de la commune de Mamers et le commissaire Saint-Laurent, nommé par le comité défensif de la commune du Mans, arriva dans la ville pour exhorter les habitants à s’enrôler (24 juin).

Tout ceci resta lettre morte, mais la situation devenait critique en Vendée, où les armées républicaines furent battues dans de nombreux combats et batailles, aussi le département ordonna de nouveau la levée d’un bataillon au district de Mamers, fort de 400 hommes pris dans la garde nationale (21 juillet). La garde nationale fut assemblée à 18 heures, place des Grouas (22 juillet) et exhortée à s’enrôler, mais cela aussi resta sans effet, des hommes se plaignirent d’avoir déjà servi contre les insurgés de Vendée, mais que la promesse d’une paye de 40 sous à la journée n’avait été tenue que tardivement et encore incomplètement. De guerre lasse, il fut procédé à la réquisition de 400 hommes, avec des troubles qui éclatèrent dans les communes de Courgains et de Thoigné. Le commissaire du district dut s’enfuir à Marolles pour échapper à un lynchage en règle. Là encore le recrutement échoua.

Le département ordonna alors la levée de la première classe de la garde nationale par un arrêté (26 juillet), accepté par la commune de Mamers (28 juillet), précisant l’obligation des réquisitionné de se présenter le lendemain à 10 heures à l’église Saint-Nicolas sous peine d’être considéré comme réfractaire. Le 29, la générale fut battue et les autorités attendirent vainement les réquisitionnés, personne ne se présenta. Il tenta avec une escorte d’arpenter les rues pour motiver les récalcitrants, et environ 150 hommes se rassemblèrent mais refusèrent de tirer au sort arguant de l’absence des autres. Devant leur refus, le tirage au sort est reporté au lendemain, 5 heures du matin. Environ 800 se rassemblèrent sur la place de Grouas, refusèrent de tirer au sort, réclamèrent que l’on leur rende les armes réquisitionnés et menacèrent de s’en prendre à ceux qui tireraient au sort. Après une matinée très agitée, la municipalité se retira (11 heures), la ville et les campagnes proches d’une insurrection générale.

Dans les autres communes, même résultat, à Dissé quatre hommes s’étaient présentés et demandaient 768 livres d’indemnité, devant le refus de paiement, ils s’étaient retirés. Dans certaines communes, comme à Dangeul, le tirage au sort avait viré à la pantalonnade, des pères de famille, des hommes âgées de 60 ou 70 ans avaient été élus, tandis que dans d’autres communes le refus resta catégorique et formel : pas de levée de réquisitionnaires. Des habitants de Vezot montant en pression, obtinrent même de récupérer leurs armes réquisitionnées devant la menace d’une sédition généralisée et totale. En ville, à Mamers, la garde nationale procéda toutefois à des arrestations de paysans des campagnes parmi les plus surexcités. Devant l’échec de la levée, les prisonniers furent relâchés, mais ordre fut donné par le département de procéder à la levée… (1er août).

Détachement de la garde nationale de la ville de Lude :

Date de formation : 18 mars 1793.

Formation :

La municipalité de Lude forma un détachement de 60 hommes de la garde nationale pour être envoyé servir contre les insurgés vendéens.

Historique :

Le détachement fut dirigé sur Baugé, puis de là envoyé à Saumur3. Jean Rivel, canonnier de la ville fut bientôt tué contre les Vendéens, à l’attaque de Saint-Pierre-de-Chemillé (11 avril).

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Article de Laurent Brayard

1 La Révolution dans la Sarthe et les départements voisins,1909, Les appels de volontaires et les réquisitions d’hommes dans le district de Mamers durant la Révolution, page 67.

2 La Révolution dans la Sarthe et dans les départements voisins, tome 5, 1910, pages 160 à 162.

3 La Révolution dans la Sarthe et dans les départements voisins, tome 5, 1910, pages 157 et 158.