Bataillon Kellermann

bataillon-de-volontaires-nationaux

Le bataillon « Kellermann » pour l’armée des Alpes et le siège de Lyon :

Date de formation : été 1793

Formation :

L’histoire de cet obscur bataillon débute avec la crise fédéraliste qui éclata à la fin du mois de mai 1793. Les partis Girondins et Montagnards se retrouvaient face à face et bientôt s’engagea un combat à mort entre les deux formations politiques. Le département de l’Ain était plutôt modéré et en ce sens balança entre une participation franche à la révolte fédéraliste et le respect des autorités constituées, dussent-elles se trouver impliquer dans une sanglante et malheureuse répression politique. Entre les 18 et 21 mai 1793, l’administration du département de l’Ain décida de lever une force armée départementale formée par les gardes nationaux[1].

Les membres du district de Pont-de-Vaux étaient patriotes et virent clairement le danger d’une telle formation, ils s’opposèrent à cette levée qu’ils déclarèrent illégale[2]. Le 24 mai 1793, le torchon brûlait et la crise fédéraliste était sur le point d’éclater. Le département voisin du Jura invita les députés suppléants de la Convention Nationale à se rendre à Bourges pour former une assemblée de remplacement. En effet la Convention et ses députés semblaient menacés par la pression populaire des sections parisiennes manœuvrées en sous-main par les jacobins et les éléments les plus avancés des républicains. Les troubles politiques de Paris attisèrent l’agitation fédéraliste[3]. Le département de l’Ain réquisitionna une compagnie de grenadiers et un détachement de cavalerie « au nom du salut de la Patrie », malgré l’opposition de certains des hommes politiques de l’Ain[4].

Le 27 mai 1793, le département de l’Ain sembla avoir passé le Rubicon puisse qu’il adopta un arrêté semblable à celui du Jura (du 24 mai), après avoir reçu deux envoyés de ce département[5]. La guerre civile devint inévitable d’autant que la grande ville de Lyon bougea, c’était à cette date la deuxième cité du pays. Le 29 mai, éclata l’insurrection de la ville de Lyon, l’hôtel de ville fut pris d’assaut[6]. Les représentants du Peuple, Albitte et Dubois-Crancé auprès de l’armée des Alpes ordonnèrent au général Kellermann d’envoyer des troupes dans la ville mais ils furent désavoués[7]. Le 30 mai, le département de l’Ain passa un arrêté qui ordonna la levée d’une force départementale chargée d’accompagner les députés suppléants à Bourges[8]. Officiellement le départ de l’Ain entra donc en dissidence contre les autorités légales de la France et la Convention bientôt Montagnarde.

Le même jour, le 9ème bataillon de l’Ain, dit de Montluel, formé de réquisitionnaires se mit en route de Chalamont pour Lyon[9]. Du 31 mai au 2 juin, les journées révolutionnaires consommèrent la chute de la Gironde. Appuyés par le peuple en armes, les Montagnards s’emparèrent du pouvoir et jugulèrent toute résistance légale dans la capitale. Dans la fièvre de ces heures sombres, le département de l’Ain ordonna dans l’urgence la formation d’une compagnie de canonniers nationaux. Le 6 juin, la nouvelle de la chute de la Gironde arriva à Bourg-en-Bresse. La confirmation de l’arrestation de 29 députés girondins fit l’effet d’un coup de tonnerre au département de l’Ain qui demanda leur rappel[10]. Toutefois inquiet de l’avenir et sachant les politiques locaux divisés, le département demanda une délégation aux 9 districts de l’Ain pour délibérer de la conduite à tenir[11].

Le 8 juin, le département du Jura appela les départements à se joindre à lui dans sa condamnation de l’éviction des girondins[12]. La proposition d’Assemblée Nationale à Bourges fut réaffirmée, ainsi que la convocation des assemblées primaires[13]. Tardivement, le 19 juin, le département de l’Ain répondit favorablement à l’appel de son voisin du Jura. Le 23 juin, le département du Jura appela son voisin de l’Ain au secours face à la marche d’une troupe levée en Côte d’Or et dans le Doubs ayant à sa tête deux conventionnels[14]. Le 24 juin, cette menace convainquit les membres du directoire du département à faire 250 hommes sur Lons-le-Saunier afin de soutenir « leurs frères du Jura » en révolte contre la Convention[15]. L’expédition tourna vite court.

Le même jour les représentants Albitte et Dubois-Crancé écrivirent au Comité de Salut Public pour dénoncer les troubles de Lyon, le danger pour l’armée des Alpes et le manque de soutien à leur action[16]. Le 27 juin, un envoyé de Lyon arriva à Bourg-en-Bresse et chercha à obtenir le soutien du département de l’Ain. Mais le vent avait tourné, et les éléments pondérés du département dont ceux du district de Pont-de-Vaux réussirent à imposer la prudence. Les politiques du département de l’Ain souhaitaient désormais un règlement pacifique comme cela venait d’être le cas avec le département du Jura. Le Conseil Général du département chercha à obtenir l’opinion des districts et des cantons. Deux représentants des cantons de Pont-de-Vaux refusèrent de déléguer à Bourg et d’avaliser le fédéralisme[17]. Le même jour, les représentants Albitte et Dubois-Crancé demandèrent que la ville de Lyon soit déclarée en état de révolte[18].

Le 6 juillet, la section du Luxembourg de Paris proposa de faire marcher toutes les sections contre les départements rebelles[19]. Le 8 juillet, le département de l’Ain, sollicité par la ville de Lyon de lui fournir un bataillon de gardes nationales, émit une réponse vague qui correspond à une fin de non-recevoir[20]. Le 12 juillet, la Convention Nationale émit un décret relatif à la révolte de Lyon. La ville fut proscrite et déclarée contre-révolutionnaire. Le district de Saint-Rambert déclara la réunion des délégués de Bourg-en-Bresse illégale et rappela ses délégués. Le département pencha définitivement dans le camp de la Convention montagnarde. Le 14 juillet, le département de l’Ain accepta la constitution de 1793 annonçant sa soumission à la Convention Nationale[21]. Fort de ces succès, le général Kellermann et les représentants du Peuple chargés de la formation de l’armée devant réduire Lyon lancèrent le 25 juillet l’ordre de réquisition de 13 200 gardes nationaux dont 1 200 prévus pour le département de l’Ain[22]. C’était le bataillon « Kellermann » pour le siège de Lyon. Cette réquisition, notons-le, arriva à un point crucial des levées de réquisitionnaires. En effet, elle intervint au moment où la levée des 300 000 hommes n’était pas encore terminée, elle intervint également quelques jours seulement après la levée des 30 000 hommes de cavalerie, et quelques jours également après les levées de cavaliers et de canonniers nationaux décrétés par le département de l’Ain. Elle fut très vite sujette à de très grandes difficultés et également vite rattrapée par la grande levée en masse qui fut décrétée seulement un mois après.

Il est important de rappeler ces faits, dans une discussion très intéressante avec Frédéric Pradal, nous avions mis en exergue, la confusion historique entre cette levée et les bataillons de réquisitionnaires de la levée en masse. A la base de cette levée, le fameux bataillon de Saint-Rambert débuta sa formation par cet ordre du général Kellermann. Une première compagnie fut formée avant même la levée en masse dans ce district. Mais ailleurs les autorités et les habitants rechignèrent et furent bientôt écrasées par l’ordre de la levée en masse. Le 27 juillet, le département avait toutefois réparti le contingent[23]  des 1 200 hommes[24] du bataillon sur les 9 districts. Le district de Pont-de-Vaux dut fournir 135 hommes pour cette levée[25]. La situation gravissime, contraignit la Convention nationale à décréter la peine de mort contre les pillards et les déserteurs[26]. Les autorités comptaient sur un rassemblement rapide de ses forces et l’ordre de rassemblement fut décidé pour le 4 août dans la capitale de l’Ain.

Le 30 juillet, 16 000 hommes puis 18 000 furent rassemblés à Bourg-en-Bresse pour aller mettre le siège devant Lyon. Le district de Pont-de-Vaux lança enfin un arrêté pour répartir le recrutement des gardes nationaux de l’Ain du bataillon « Kellermann »[27]. Le 31 juillet, suite à l’arrêté du 25 juillet, la commune de Saint-Laurent fut chargée de fournir 21 hommes pour aller combattre les fédéralistes de Lyon. La municipalité écrivit au directoire du district pour annoncer qu’elle ne pouvait fournir ce contingent, à cause des nombreux enrôlés déjà partis, tant dans les troupes de ligne que dans les bataillons de volontaires[28].

Le 31 juillet, les premières exemptions tombèrent car ce bataillon dut être levé dans toutes les tranches d’âges des gardes nationaux, et également parmi les hommes mariés qui furent nombreux à partir dans ses rangs. Quelques notables partirent, mais d’autres firent jouer leur immunité face aux levées. A Pont-de-Veyle, le greffier et juge de paix Laffond fut écarté de la levée, suivis le 1er août par Bévy et Hilaire greffiers et huissiers de justice. Ces exemptions annonçaient un raz de marée de demandes d’exemption. Le 2 août, l’armée départementale des fédéralistes du Jura fut dispersée facilement par les gardes nationaux de Dole à Tassenières[29]. Le danger fédéraliste s’éloigna mais l’insurrection de Lyon apparut bien plus dangereuse. A la même date, le citoyen Favre, père de deux petits enfants et seul boulanger de Saint-Trivier, fut exempté pour la levée, suivi le 3 août par le citoyen Ponet d’Ambérieux atteint d’une hernie. A la même date, le citoyen Desbordes toujours de Saint-Trivier et atteint de surdité fut écarté[30].

Le 5 août, le greffier et juge de paix Loisy du canton de Pont d’Ain obtint à son tour l’exemption. Les hommes de Pont-de-Vaux s’étaient bien rassemblés, plus d’une quarantaine d’entre eux se mirent en marche pour Bourg et le bataillon. Mais dans le reste du district la levée fut difficile, voire impossible. Le département évoqua toutefois le paiement de frais de transport et d’étape pour ces hommes. A Saint-Laurent-sur-Saône, la levée fut particulièrement difficile dans une commune patriote qui avait déjà beaucoup donnée d’hommes à la Nation malgré sa modeste taille. A Maillat, le citoyen Bertrand domestique du citoyen Moyria vit sa demande d’exemption refusée par le département. Le 6 août, le rassemblement ordonné pour le 4 fut un échec. La ville de Bourg n’avait fourni que 21 hommes au lieu des 80 prévus et la ville fut sommée de fournir les 59 manquants. Malgré l’urgence les exemptions se poursuivirent, notamment de Bérard commis des Postes à Bourg, de Quintal commis de l’enregistrement à Bourg, de Ducemitière, âgé de 27 ans mais père de quatre enfants en bas âge. Les commis du département, Hureville, Dauphin et Genet furent également exemptés.

Le 7 août, le département repoussa la demande d’exemption de Jean-Marie Odet, notable, officier public, assesseur du juge de Paix à Agnereins. Cette décision est surprenante, alors que Loisy, juge de Paix et greffier de justice à Pont d’Ain était confirmé dans son exemption. Le 9 août, Gaspard Berchut, commandant de la Garde nationale de Bourg fut également exempté, ainsi que Devignières le receveur de la Loterie Nationale au bureau de Trévoux. Le 12 août, ce fut le tour de l’officier de santé Camet de l’hôpital de Bourg. Le 15 août, les autorités locales signalèrent la désertion massive des gardes nationaux de Bâgé-le-Châtel requis pour le siège de Lyon en vertu du décret du 25 juillet dernier :

« Le contingent de la commune qui fut de 19 hommes qui fut effectué le premier du courant et se sont rendus après les avoir armés de fusils qui avoient été remis à la commune par le district de Pont-de-Vaux d’où ils sont partis pour se rendre à Bourg le jour indiqué. Le citoyen Vincent a dit qu’il vient d’être instruit que la majeure partie des hommes envoyés pour le contingent de la commune sont de retour dans leurs foyers sans avoir à leur arrivée exhibé de congé et qu’ils sont même venus sans armes, qu’une telle conduite de la part de ces jeunes gens doit exciter la sollicitude de la municipalité et qu’il est d’avis que le conseil municipal en instruise le district qui à cet égard prendra tel parti qu’il jugera convenable et sur ces ordres la municipalité fera telles poursuites qui luy seront indiquées »[31].

Le 16 août, le département exempta encore le citoyen Charveiriat de Chaneins pour maladie. Le mode de recrutement créa parfois des troubles, notamment à Marboz, où deux citoyens choisis comme soldats réclamèrent l’annulation de leur nomination comme illégale… Le département répondit fermement que le mode de nomination choisi était le seul adéquat, et fit preuve de prudence afin d’éviter les heurts, les violences « d’une jeunesse d’autant plus difficile à conduire qu’elle est moins instruite ». La levée n’en finissait pas de trainer en longueur. Le 17 août, Trévoux annonça ses difficultés à réunir son contingent. Le 20 août, la nouvelle alarmante de l’invasion du département du Mont-Blanc et de la marche de l’armée piémontaise sur Chambéry, incita le directoire du département à passer un arrêté portant invitation à tous les citoyens de prendre les armes, de faire marcher les déserteurs et de rassembler des armes et des munitions pour repousser une éventuelle invasion[32].

Le 21 août, celle de Pont-de-Vaux n’était pas achevée, un citoyen de Jayat fut exempté comme n’ayant pas l’âge minimum requis et put rentrer chez lui. La commune de Saint-Julien-sur-Reyssouze indiqua la rentrée au pays de nombre de réquisitionnaires recrutés pour le bataillon de l’armée des Alpes devant partir au siège de Lyon :

« Que les citoyens s’étoient rendus à Bourg le 4 du courant en exécution de l’arrêté du representant du peuple près l’armée des alpes. Le bureau municipal a arrêté que les citoyens désignés à marcher près les armées des alpes actuellement dans leurs foyers seroient sur le champ requis de se rendre en la maison commune, et que lecture de la lettre cy dessus relatée leur seroit faite : Les citoyens désignés réunis lecture leur a été faite à l’instant et demandé à chacun d’eux séparément s’ils étoient nantis d’un congé visé par les commissaires des guerres, ils nous ont unaniment répondus qu’ils n’en avoient point et qu’ils n’avoient quittés que parce qu’ils ne recevaient pas leur paye régulièrement et qu’ils n’étoient pas à même de subsister par leur ressource que conformément à l’article 6 de l’arrêté du district de Pont-de-Vaux ils s’attendoient à avoir l’étape en arrivant à Bourg qui ayant passé trois jours, n’avoient reçu qu’une fois l’étape que du 4 au 15 jours qu’ils sont rentrés dans leurs foyers ils n’avoient reçu qu’une seule fois le pain et une seule fois la viande, si ce n’est la loi ou ils l’ont recu trois fois de sorte qu’ils ont été cinq jours sans recevoir leur paye, nous ayant demandé acte de leur dire, pour constater que ce n’est pas faute de patriotisme qui leur a fait abandonner leur poste mais bien la faim qui les a forcé de rentrer dans leurs foyers. Invité à repartir,  ils nous tous répondu être prêt à partir »[33].

Tandis qu’à Lagnieu, la commune ordonnait la réquisition de la compagnie des volontaires, embryon du futur bataillon de Montferme (Saint-Rambert)[34]. La réquisition porta sur 67 paires de souliers pour les 73 hommes présents à la compagnie. Le dénuement des hommes apparaissait total. Un cas d’automutilation fut même relevé dans la commune de Marten???[35], qui s’était coupé le doigt afin d’échapper à la réquisition pour le bataillon devant marcher au siège de Lyon. L’homme malgré la gravité de la situation ne fut condamné qu’à fournir à ses frais un remplaçant qu’il devait de plus équiper de pied en cape. La difficulté de recrutement des hommes conduisit parfois le département à prendre de drôles de décisions. Comme celle du 26 août, concernant le citoyen Hugon mis en surveillance à Bourg jusqu’à la fin des troubles de la ville de Lyon, mais qui devait marcher pour la réquisition et rejoindre les frontières… Nous imaginons bien quelle recrue devait être le citoyen Hugon !

A la fin du mois d’août, la nouvelle de la levée en masse qui avait été décrétée à Paris n’était pas encore arrivée à Bourg. D’autres hommes demandèrent leur révocation de la levée comme le citoyen Louis Couturier de Saint-Alban qui fut maintenu malgré les raisons qu’il invoqua dans les rangs de la levée des 1 200 hommes.  Le 1er septembre, la commune de Cuisiat vota une somme de 165 livres pour les enrôlés volontaires du bataillon, seul moyen de motiver quelques hommes à rejoindre ses rangs. A Culoz, un citoyen âgé de 46 ans fut écarté de la levée pour maladie, et le 3 septembre 1793, nous trouvons encore trace de l’annulation des nominations des citoyens Colomb de Meyriat et de Gaynon de Chiloup. Le 4 septembre, le professeur et citoyen Girod, du collège de Bourg, fut maintenu dans la levée et sa demande d’annulation écartée, tandis que le 6 septembre, un receveur de l’enregistrement de Pont-de-Veyle fut exempté, avec le citoyen Brenod. Le même jour trois exemptions furent toutefois refusées pour deux citoyens de Ceyzériat et un citoyen de Chézeux. Le 9 septembre, les nominations n’étaient toujours pas terminées, plus d’un mois après l’ordre théorique de rassemblement. A Foissiat, les hommes mariés qui avaient été désignés devaient être remplacés par des célibataires ou veufs sans enfants.

Cette dernière information est importante, car désormais la levée en masse ; connue de tous ; annula en quelque sorte les dispositions de la levée du général Kellermann et des représentants du peuple du 25 juillet. Toutes les recrues devinrent des réquisitionnaires selon la loi du 23 août 1793 qui instaurait la levée en masse. Selon les localités, les hommes mariés furent exemptés ou ne le furent que bien plus tard dans le courant du mois de novembre. Entre temps, les exemptions ou non exemptions continuèrent. Notamment le 9 septembre du citoyen Piquet au dépôt de Bourg, alors que furent refusées les exemptions de plusieurs citoyens de Foissiat, Pressiat, Revonnas et de Servas. Le 10 septembre, une autre exemption fut refusée, celle d’un citoyen de La Balme-sur-Cerdon, ainsi que celle d’un autre citoyen de Curtafond. A Jayat, l’exemption du citoyen Josserand provoqua des troubles insolubles : les jeunes refusèrent de s’assembler pour désigner son remplaçant, et les autorités départementales faute de mieux, ordonnèrent sa désignation par un tirage au sort sur  les listes de la commune. Le même jour, Chapuis juge au tribunal de Pont-de-Veyle fut exempté et les difficultés perdurèrent encore le 12 septembre lorsque la commune de Bény déclara ses difficultés à boucler le contingent.

Historique :

1793 :

Nous perdons ensuite la trace du bataillon et nous ne savons pas grand-chose de lui. Par le biais des recrues de Pont-de-Vaux nous savons que ce bataillon fut effectivement présent à Lyon, mais tardivement. Nous le retrouvons dans cette ville au mois de novembre 1793[36] puisque des malades furent dirigés vers leur foyer, les hôpitaux de Lyon étant pleins[37]. Le bataillon fut en partie ou totalement[38] démobilisé au début de novembre, car il était essentiellement composé d’hommes de plus de 25 ans, en grande majorité mariés avec des enfants. Nous trouvons trace d’ordres contradictoires à propos du bataillon formé pour le siège de Lyon. Le 30 octobre, le bataillon se trouvait à Chambéry et l’ordre fut donné de le faire marcher sur Bourg pour qu’il soit licencié « ou en tout cas de ne pas le laisser en garnison à Bourg »[39]. Le 31 octobre, le département en vue de son arrivée fit un emprunt de blé pour fournir l’étape au bataillon lorsqu’il fut revenu de Chambéry. Le 6 novembre, le commissaire des guerres Macey fut nommé pour se charger du licenciement du bataillon. Effectivement peu après un groupe de 38 hommes de ce bataillon, originaire du canton de Pont-de-Vaux rentra ainsi au pays et demanda l’étape pour leur retour. Ils furent menés par le capitaine Trambly de la 9ème compagnie des grenadiers[40]. Le 5 novembre, le département de l’Ain avait statué sur le sort du bataillon en émettant un décret[41] :

« Vu la lettre du représentant du Peuple Dumas, envoyé près l’armée des Alpes datée de Chambéry le 3ème jour de la 1ère décade du second mois par laquelle ce représentant invite le général de Brigade, Rivaz,  faisant fonction de chef de l’Etat-Major à ordonner que les gardes nationales tant du département de Mont-Blanc, que de celui de l’Ain qui avoient été réquiser pour concourir à repousser les Piémontois, se rendent en corps au chef-lieu de leur département respectif, afin que l’on ne conserve en activité que les jeunes gens de 18 à 25 ans compris dans la 1ère réquisition qui s’incorporeront dans les bataillons formés dans leur département depuis la loi du 23 août dernier.

Vu la lettre du général de Brigade, Rivaz du 8 de la 1ère décade du même mois, pour l’exécution de celle du représentant du peuple.

Vu aussi l’arrêté du directoire du département du onze de ce mois qui renvoit provisoirement dans leurs foyers les citoyens de la 1ère réquisition.

Oui le procureur général sindic.

Le directoire du département considérant que le bataillon des gardes nationales requises dans ce département pour marcher contre les Piémontois doit arriver demain dans cette ville, que le bataillon est composé en grande partie de père de famille et qu’il est urgent de procurer à ces citoyens les moyens de rentrer incessamment dans leurs foyers, conformément à la loi ??? à la lettre du représentant du peuple cidevant rappellée :

Arrete 1° qu’à l’arrivée du bataillon dont s’agit il sera passé en revue par l’agent militaire qui exigera de chaque capitaine la liste des citoyens composant leurs compagnies en distinguant les citoyens dans le cas de la 1ère réquisition.

2° que les citoyens de ce bataillon de l’âge de vingt-cinq ans et au-dessus ainsi que les pères de famille se retireront dans leurs foyers et seront mis hors de la réquisition.

3° que les citoyens de l’âge de 18 à 25 ans seront tenus de se présenter au chef-lieu de leur district respectifs pour y donner leur nom et signalement et être ensuite incorporés dans les bataillons levés depuis la loi du 23 août dernier ; qu’ils seront tenus de rejoindre à la 1ère réquisition sous peine d’être réputés déserteurs et punis comme tels ».

Passés en revue, une bonne part des hommes du bataillon furent renvoyés dans leur foyer tandis que les autres étaient en attente d’être incorporés dans d’autres unités. Toutefois le 8 novembre, le département de l’Ain prit de nouvelles mesures conformément à l’article 3 du décret du 5 novembre : « aux hommes qui viennent d’être renvoyés dans leurs foyers, sont de nouveau requis de se rendre au chef-lieu de district dans les 24 heures »[42]. Le bataillon fut immédiatement reformé sous forme de bataillon de réquisitionnaires de la levée en masse avec les hommes du bataillon du siège de Lyon et ceux de la levée en masse.

Article de Laurent B.

sehri

[1] Louis Trénard, Les résistances à la révolution, article Les pays de l’Ain face au fédéralisme, p. 161.

[2] Charles Jarrin, La Bresse et le Bugey, sa place dans l’histoire, Tome 4, p. 33.

[3] Albert Mathiez,  La Révolution Française, tome 3, p. 10.

[4] Paul Vivier, Au temps… op cit, p. 224.

[5] Charles Jarrin, La Bresse… op cit, p. 23.

[6] Donald Sutherland, Révolution Française et Contre Révolution 1789-1815, p. 203.

[7] Jérôme Croyet, La mission du représentant Albitte dans l’Ain, p. 56. L’ordre était d’envoyer 10 bataillons d’infanterie, 2 escadrons de cavalerie et de l’artillerie de siège, Edouard Herriot, Lyon n’est plus, tome 2 le siège, p. 10.

[8] La scission fédéraliste était alors d’actualité et semblait gagner du terrain. Une assemblée siégeant à Bourges fut proposée notamment par le département du Jura pour échapper à l’emprise et aux passions parisiennes. La force en question devait compter 100 fantassins, 30 cavaliers devant être recrutés par engagement volontaire et au besoin par réquisition. Une somme de 200 000 livres levée par imposition était prévue, pour l’équipement et la solde de cette troupe, Octave Morel, Inventaire des archives de la Révolution du département de l’Ain, p. 21.

[9] Jérôme Croyet, Sous le bonnet, thèse, annexe 4, tome 2.

[10] Les districts de Châtillon-sur-Chalaronne et de Nantua ne suivirent pas le département dans sa protestation. Il est aussi intéressant de noter que le district de Louhans signifia au département de la Saône-et-Loire qu’il restait fidèle à la Montagne. Or ce district était voisin de celui de Pont-de-Vaux, Edouard Herriot, Lyon n’est plus, tome 2… op cit, p. 20.

[11] Louis Trénard, Les résistances… op cit, p. 163.

[12] Le département de l’Ain adhéra à cette proposition, Octave Morel, idem, p. 23.

[13] Le district de Pont-de-Vaux n’était pas favorable à cette sécession et envoya à Bourg le citoyen André avec comme instructions « d’être présent aux mesures que la prudence suggérera et qui tendront à la conservation de l’unité et de l’indivisibilité de la République », Charles Jarrin, La Bresse… op cit, p. 33.

[14] Louis Trénard, Les résistances… op cit, p. 164. Environ 2 700 hommes de la Côte d’Or et du Doubs selon Charles Jarrin, La Bresse… op cit, p. 36.

[15] Paul Vivier,  Au temps… op cit, p. 225. D’après Louis Trénard, une force de 150 hommes partit de Bourg, s’arrêta à Saint-Amour et y demanda une pièce d’artillerie. Cette dernière fut envoyée par une décision du département en date du 26 juin et indiqua qu’une des deux pièces en sa possession partirait rejoindre les 150 hommes envoyés au secours du Jura. Lorsqu’ils arrivèrent à Lons-le-Saunier, le département du Jura parlementait avec les envoyés de la Convention. Le 26 juin, un accord de principe fut pris sur la promesse du Jura de ne pas employer la Force. Le 29 juin, les volontaires bressans entrèrent dans Lons-le-Saunier. Leur arrivée coïncida donc à une réconciliation avec les envoyés de la Convention. Les Bressans firent alors demi-tour en chantant des chansons anti jacobine, et en brûlant une effigie de Marat, François Lebrun et Roger Dupuy Les résistances à la Révolution, p. 164.

[16] Jérôme Croyet, La mission… op cit, p. 56.

[17] Six districts délèguent sur neuf et 27 cantons sur 48. A la fin du mois, trois districts étaient clairement fédéralistes, Bourg, Trévoux, Belley, deux autres hésitèrent, Châtillon-sur-Chalaronne et Saint-Rambert. A l’inverse, quatre étaient résolument en faveur de la Convention Nationale, Nantua, Gex, Pont-de-Vaux et Montluel, Louis Trénard Les résistances… op cit, p. 165.

[18] Jérôme Croyet, La mission du représentant Albitte, p. 56.

[19] La proposition fut faite au moment où la crise fédéraliste était à son comble : « que tous les citoyens indistinctement depuis l’âge de 16 ans jusqu’à 50 soient en réquisition permanente et composent la force armée », Albert Soboul, La Révolution… op cit, p. 310.

[20] Edouard Herriot, Lyon n’est plus, tome 2… op cit, p. 171 et 172.

[21] Louis Trénard, idem, p. 167.

[22] Le décret prévoyait 600 hommes pour la Haute-Saône, 1 000 hommes pour l’Ardèche, 1 200 pour le Jura et L’Ain, 2 000 hommes pour la Saône-et-Loire, le Rhône-et-Loire, le Puy-de-Dôme, l’Isère. Le département de l’Ain fit savoir que le département de l’Ain ne pouvait pas fournir de grandes ressources, autant en hommes, qu’en matériels, vivres ou munitions dont il était dépourvu. Malgré cela, l’Ain mit en marche contre la ville de Lyon le 1er bataillon de l’Ariège et une escouade de canonniers, Edouard Herriot, Lyon n’est plus, tome 2… op cit, p. 257 et 272. Cette levée fut très difficile à réaliser, les hommes étaient peu motivés et le 12 octobre 1793, le département signala qu’un grand nombre de requis pour marcher contre Lyon s’étaient enfuis et avaient abandonné leur corps, Octave Morel, inventaire… op cit, p. 188.

[23] Suivant un décret de la Convention Nationale du 14 juillet autorisant les représentants du Peuple auprès de l’armée des Alpes à lever des forces armées pour rétablir l’ordre dans la ville de Lyon, BM Vaillant de Bourg-en-Bresse 501 421 P 6 bis.

[24] Belley 146 hommes, Bourg 262, Châtillon 92, Gex 85, Nantua 114, Montluel 102, Pont-de-Vaux 135, Saint-Rambert 130, Trévoux 134, idem.

[25] Paul Vivier, Au temps… op cit, p. 259. Le détachement du district de Pont-de-Vaux se mit en route le 5 août pour rejoindre le bataillon en formation, Octave Morel, idem, page 171.

[26] Si les tribunaux furent impitoyables contre les émigrés, ils furent cléments pour les soldats qui n’eurent que rarement à subir une telle peine, Albert Soboul, La Révolution… op cit, p. 372.

[27] AC de Saint-Etienne, registre des délibérations.

[28] AC de Saint-Laurent, registre des délibérations 1D5.

[29] Donald Sutherland, Révolution Française et Contre Révolution 1789-1815, p. 211.

[30] Il s’agit probablement de Saint-Trivier-sur-Moignans mais le fait reste à vérifier.

[31] AD de l’Ain, AC de Bâgé, REV 12.

[32] AD de l’Ain, AC de Bâgé-le-Châtel, registre des délibérations, REV 3.

[33] Registre des délibérations, AC de Saint-Julien.

[34] Voir 9ème bataillon des réquisitions, qui aurait dû être par ailleurs le 9ème de l’Ain, le bataillon de Montferme sur lequel Frédéric Pradal a travaillé.

[35] Le nom de la commune reste à confirmer

[36] Deux réquisitionnaires de Feillens, nommés Laurent Rion et Claude Berry étaient alors dans ses rangs, à la 6ème compagnie, commandé par Mignoz. Le 30 novembre ces hommes étaient dans un des hôpitaux de Lyon. Ils obtinrent un billet pour rentrer chez eux, les hôpitaux étant bondés de malades.

[37] Notamment des hommes de Saint-Laurent-sur-Saône, AC de Saint-Laurent série H et registre des délibérations 1 D 3.

[38] Il semble bien que le bataillon ne fut pas dissout. Il fut dirigé à une date inconnue au cours de l’hiver 1793-94, à Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie. Il resta en dépôt, les compagnies reçurent un nouvel encadrement en février 1794. AD de l’Ain, AC de Bâgé-le-Châtel, REV 12.

[39] Le directoire demanda aux représentants du peuple près de l’armée des Alpes ce licenciement, Octave Morel, Inventaire… op cit, p. 192.

[40] Ce numéro de compagnie atteste que le bataillon bien que sans doute incomplet, avait déjà formé plusieurs compagnies de fusiliers, en sus de sa compagnie de grenadiers. AC de Pont-de-Vaux, registre des délibérations REV 3.

[41] AD de l’Ain, 2 L 143.

[42] C’est-à-dire en particulier les hommes non mariés et veuf sans enfants, ce qui explique que seule une partie du bataillon soit restée démobilisée, Octave Morel, Inventaire… op cit, p. 194.